Par le Dr Guillaume RAGETLY, spécialiste (Dip. ECVS) du service de chirurgie orthopédique du CHV Frégis.
BOITERIE DU MEMBRE THORACIQUE DROIT CHEZ UN ENGLISH SPRINGER
Massai, un English springer spaniel de 3 ans est présenté pour une boiterie du membre thoracique droit présente depuis 6 mois qui a débuté pendant la chasse. La boiterie est continue est légère à modérée. Des radiographies réalisées par le vétérinaire n’ont pas montré d’anomalie.
A l’examen, une boiterie permanente et légère (grade 2-3/5) du membre thoracique droit est notée. Une douleur franche à la flexion et l’extension du coude est notée à droite, et le signe de Campbell est positif à droite et à gauche.
Le diagnostic différentiel inclue prioritairement une ossification incomplète du condyle huméral ou une dysplasie du coude (plutôt de type maladie du compartiment médial avec fragmentation du processus coronoïde étant donné l’apparition tardive des signes). D’autres causes ne peuvent être exclues incluant notamment les autres causes de dysplasie (non-union du processus anconé, ostéochondrite disséquante ou incongruence) ; une tendinopathie des fléchisseurs, une épicondylite, ou une cause infectieuse ou tumorale.
Un examen tomodensitométrique des deux coudes est réalisé. Une ligne radio-transparente est observée au milieu du condyle humérale de chaque côté, associée à une sclérose marquée de part et d'autre de cette ligne (Figure 1). Le reste des coudes est normal notamment les processus coronoïdes et anconés, le condyle huméral et la congruence. Un diagnostic d’ossification incomplète bilatérale du condyle huméral est établi.
Figure 1 : Images tomodensitométriques des coudes droit et gauche.
Qu’est-ce que l’ossification incomplète du condyle huméral ?
Le condyle huméral est composé d'une partie latérale et médiale. Lors d'ossification incomplète du condyle huméral, l'union des condyles ne se produit pas : le condyle huméral est ainsi plus fragile, car des micro-mouvements entre ses deux parties sont possibles. Deux présentations cliniques sont possibles :
- Une boiterie d’apparition aigue ou subaigue qui persiste dans le temps et est peu améliorée avec des anti-inflammatoires. Cette boiterie est sans doute secondaire aux micro-mouvements présents.
- Une fracture du condyle huméral lorsque les micro-mouvements finissent par fragiliser de manière excessive la crête supracondylienne.
Les races prédisposées sont les « Spaniels » : surtout les Cockers aux États-Unis, et les Springer en Angleterre. Une étude britannique récente démontre que sur 100 Springer Spaniel asymptomatiques, 14% possédait une fissure partielle des condyles. Les Cavalier King Charles sont aussi prédisposés. D'autres grandes races sont également touchées : Labrador retriever, Pointer, Berger Allemand, Rottweiler, Mastiff tibétain. L'IOHC est bilatérale dans près de 25% des cas.
Le diagnostic peut être difficile, nécessitant souvent le recours à des techniques d'imageries avancées. Une vue radiographique oblique (15° cranio-médiale à caudo-latérale) peut cependant permettre de suspecter une zone radiotransparente traversant le condyle mais le scanner reste l’examen de choix.
Quel est le traitement recommandé ?
Dans le cas de Massai, l’objectif du traitement est de stabiliser les deux parties du condyle afin d’empêcher les micro-mouvements à l’origine de l’inconfort. Une vis intercondylienne est indiquée, aussi large que possible afin d’éviter une fracture de fatigue de la vis après quelques années.
Une approche sous fluoroscopie permet de placer les vis de manière bilatérale, avec une approche atraumatique, en optimisant la taille des vis (Figure 2, 3 et 4).
La boiterie a diminuée sur les deux premières semaines jusqu’à disparaitre durablement. Le contrôle à 2 mois n’a pas mis en évidence de mouvement des implants à droite ou à gauche.
Figure 2 : La chirurgie est réalisée par une incision de 1 cm sous contrôle de l’amplificateur de brillance. Les chirurgiens sont équipés de matériel de radioprotection.
Figure 3 : Une broche est d’abord insérée et son positionnement contrôlée par fluoroscopie, et sa position recorrigée.
Figure 4 : Le bon placement final de la vis est confirmé sous fluoroscopie.