A la lumière des informations apportées par l’anamnèse et les examens complémentaires, quel est votre diagnostic ?
L’examen clinique et les examens complémentaires réalisés sont en faveur d’une lymphoprolifération maligne à grains, multicentrique, avec infiltration du testicule et de la glande anale gauche probablement responsables du ténesme ainsi qu’une diffusion dans la cavité abdominale. Chez les furets, les lymphomes représentent la troisième tumeur la plus fréquente (11.9% des tumeurs) après les tumeurs pancréatiques endocrines (21.7%) et les tumeurs adrénocorticales (16.7%).1 Une cause infectieuse a été suspectée suite à la l’émergence de foyers regroupés et, bien qu’aucun agent n’ai été identifié à ce jour,2 l’implication de rétrovirus demeure à l’étude.3 A l’instar des autres espèces, les lymphomes sont chez le furet des entités cliniquement hétérogènes avec une infiltration organique et des manifestations variables.4 La localisation est dans 40% des cas multicentriques, 45% des cas gastro-intestinale, 10% des cas médiastinale et 1% des cas cutanée.5 La découverte la plus fréquente à l’examen clinique est un effet de masse abdominale (70% des cas) tandis qu’une lymphadénomégalie périphérique, des signes cliniques associée à une lésion thoracique ou des formes asymptomatiques sont retrouvés plus rarement, dans 38%, 19% et 23% des cas respectivement (Antinoff & Needham, non publié). L’anémie, présente chez 81.4% des furets atteints de lymphome, est l’anomalie la plus fréquemment observée et celle-ci est sévère (i.e. hématocrite <26%) dans 37% des cas. Les modifications de la lignée blanche sont quant à elles moins constantes et incluent une neutropénie dans 18.5% des cas et une phase leucémique dans 7.4% des cas.4 Les modifications biochimiques peuvent inclure une hypoalbuminémie, une hyperglobulinémie, une hypercalcémie et une insuffisance dans respectivement 17.8%, 10.7%, 7.1% et 71% des cas.4
Quels examens complémentaires proposez-vous et quel pronostic annoncez-vous aux propriétaires
Compte-tenu de la diversité des lymphomes, la détermination du pronostic et la réponse thérapeutique attendue nécessitent en médecine humaine, canine et féline de caractériser le processus tumoral plus précisément en déterminant (1) le stade clinique (localisation et extension clinique), (2) le grade histologique (ou « agressivité ») et (3) le phénotype (origine des cellules impliquées).6 Chez le furet, les recommandations actuelles sont d’utiliser le système décrit en Table 1 pour le stade clinique, l’échelle du National Cancer Institute (NCI-WF, prenant en compte les caractéristiques cellulaires telles que la taille, la degré de maturité, le caractère mono- ou polymorphe, l’organisation de la chromatine et l’indice mitotique) pour le grade histologique, et la classification des tumeurs lymphoïdes proposée par l’Organisation Mondiale pour la Santé (WHO-REAL reposant sur l’architecture cellulaire, des noyaux ainsi qu’un immunophénotypage par immunohistochimie ou cytométrie de flux) pour le phénotype.7 En pratique, en plus d’une NFS, d’un bilan biochimique et d’une échographie abdominale, la caractérisation d’un lymphome nécessite également une analyse urinaire, une aspiration de moelle osseuse, la biopsie d’un organe affecté et la réalisation de radiographies
Tous types de lymphomes confondus, la médiane de survie est estimée à 6 mois chez le furet.4 S’il est attendu que le comportement clinique d’un lymphome (médiane de survie, réponse thérapeutique) soit influencé par le stade clinique, le grade histologique et le phénotype, il est important de réaliser que cette relation est encore mal caractérisée chez le furet. Avec les réserves imposées par les limites des études disponibles, il semblerait que les lymphomes à cellules matures (Antinoff & Needham, non publié), d’immunophénotype T et de stade clinique 1 soient associées à des médiane de survie supérieures aux lymphomes à cellules blastiques, d’immunophénotype B et de stade clinique supérieur à 2. 4,5 Dans notre cas, la présence de grands lymphocytes granulaire – qui sont généralement associée à des lymphomes de mauvais pronostic évoluant de façon aiguë chez les chats et les chiens – est inhabituelle et traduit un immunophénotype T ou NK. Un unique cas décrit dans la littérature à ce jour chez le furet rapporte une survie de 3 semaines suite à l’apparition des premiers signes cliniques chez un animal âgé de 3 ans.8