Présentation du cas
Une lapine stérilisée, âgée de 13 ans, est présentée pour apparition progressive d’une opacification marquée de l’œil gauche sans altération de l’état général. Habituellement, le lapin vit seul et reçoit une alimentation constituée de foin et de légumes variés. Ses antécédents médicaux se limitent à une hypercalcémie légère considérée d’origine nutritionnelle. L’examen clinique révèle un animal en bon état de chair, vif, alerte et réactif. L’examen ophtalmologique révèle une hyperpigmentation de l’iris, une buphtalmie, une hyperhémie conjonctivale et une opacité nucléo-corticale cristalinienne. La pression intraoculaire mesurée par tonométrie à rebond est de 29 mmHg et le test à la fluorescéine est négatif. Pour l’œil droit, la pression intraoculaire de 17 mmHg et le test à la fluorescéine est négatif.
- A l’aide des données anamnestico-cliniques, quel est votre diagnostic ?
Chez le lapin comme chez les carnivores domestiques, toute opacité du cristallin ou de sa capsule correspond à une cataracte. Une telle opacification résulte d’une modification de la composition des protéines du cristallin ou de l’organisation des fibres cristalliniennes. Comme chez les autres espèces, la cataracte peut être classée en fonction de la taille, de la forme, de la localisation au sein du cristallin, de l’âge du patient lors de l’apparition ou de la cause sous-jacente. La cataracte devrait être différenciée de la sclérose nucléaire, qui correspond à un vieillissement physiologique du cristallin et se manifeste par un aspect du noyau cristallinien opalescent.
- Quel est de le diagnostic différentiel de cette affection chez un lapin ?
Chez le lapin, les cataractes peuvent être congénitales ou acquises. Peu d’études ont été réalisées chez le lapin mais une incidence de cataracte juvénile estimée à 4.3% a été rapportée dans une population de 946 lapins néo-zélandais. Parmi les causes acquises, une origine parasitaire (Encephalitozoon cuniculi), inflammatoire (uvéite chronique associée à P. multocida ou S. aureus par exemple), traumatique (griffure de chat), ou plus rarement métabolique (diabète), toxique (métaux lourds), virale (fibrome de Schope) ou secondaire à une exposition à des radiations ionisantes sont rapportées. Enfin, les cataractes séniles sont de plus en plus rencontrées.
- Quelle est votre approche diagnostique ?
En cas de cataracte chez le lapin, un test sérologique (IgG et IgM) associé à une électrophorèse des protéines sériques devraient être considérés pour explorer une hypothèse d’encéphalitozoonose, ainsi qu’une analyse d’urine associée à un dosage du glucose et des fructosamines pour l’exploration d’un diabète mellitus. Dans notre cas, aucune maladie sous-jacente n’est mise en évidence. Un diagnostic de cataracte sénile gauche avec signes d’inflammation chronique endo-oculaire et hypertension oculaire est établit.
- Quelle sont les options thérapeutiques possibles ?
Quelle qu’en soit la cause précise, une fois que la cataracte progresse et induit une gêne visuelle, une intervention chirurgicale constitue la seule façon de restaurer la vision du patient. La phacoémulsification intracapsulaire a été rapportée chez le lapin et celle-ci devrait être considérée. Cette intervention est associée à un risque accru de collapsus de l’iris car la chambre antérieure est plus superficielle chez le lapin. Il est toutefois à noter que les lapins aveugles vivant dans un environnement bien connu et avec un accès facile à la nourriture présentent une qualité de vie tout à fait acceptable.
Cette approche conservatrice peut être associée au développement d’une uvéite ou d’un glaucome. En cas d’uvéite phaco-induite, un traitement anti-inflammatoire stéroïdien (p.ex. acétate de prednisolone en suspension à 1% q8-24h). Une fois l’uvéite active contrôlée, un relais avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens topiques peut être envisagée (p.ex. flurbiprofène en solution 0.03% q12-24h). En cas de complication de glaucome, un traitement médical à l’aide d’un hypotenseur oculaire (p.ex. association de dorzolamide et timolol q12h) sera recommandé. En l’absence de réponse au traitement médical et pour améliorer le confort de l’animal, une énucléation peut être indiquée.
Auteur
Par le Dr ZOLLER, Résident du Collège Européen de Médecine Zoologique Vétérinaire (ECZM)