Image du mois : Gestion orthodontique d’une malocclusion squelettique ou comment croquer à nouveau la vie à pleines dents

Berger allemand de 7 mois présenté en consultation pour une malocclusion dentaire. À l’examen oro-maxillo-facial, il est noté une denture adulte complète, ainsi qu’une rétrusion mandibulaire (malocclusion de classe 2 Angle-modifiée). Celle-ci engendre une percussion occlusale de la gencive et du palais par les deux canines mandibulaires (dents 304 et 404) en raison de leur linguoposition. L’articulé incisif présente un overjet de 8 mm. Des lésions parodontales débutantes à hauteur des faces mésio-palatines des canines supérieures (dents 104 et 204) sont associées par traumatisme auto-induit.

Radiographie de thorax en décubitus latéral droitRadiographie de thorax en décubitus latéral droitRadiographie de thorax en décubitus latéral droit

 

Quelles options thérapeutiques sont possibles ?

  • L’avulsion sélective des deux canines inférieures (304 et 404) à l’origine du traumatisme.
  • La réduction coronaire et biopulpectomie des canines 304 et 404 permet également de soustraire la percussion occlusale.
  • Plusieurs approches orthodontiques existent chez le chien selon la préférence du clinicien :
    • La traction élastique des dents 104 et 204 (distoversion des canines supérieures), puis la pose d’un second dispositif (plan incliné palatin entre 104 et 204) pour vestibuloversion des canines inférieures (304 et 404).
    • L’élongation coronaire en résine composite des dents 304 et 404.
    • La fabrication d’un plan incliné palatin in situ.

 

Traitement :

Le maître a porté son choix sur le plan incliné palatin fabriqué in situ, en raison de ses avantages potentiels, tout en ayant conscience des limites théoriques de cette approche. Après la pose d’une voie veineuse, le patient est prémédiqué à l’aide de Butorphanol et de Dexmédétomidine, puis induit à l’aide de Propofol à l’effet. Une intubation endotrachéale transorale est réalisée pour relais anesthésique à l’aide d’un agent halogéné volatile (Isoflurane 1.2%). Le ballonnet de la sonde trachéale est gonflé jusqu’à obtention d’une bonne étanchéité à l’insuflation, puis un pack pharyngé et une canule d’aspiration sont mis en place, afin de protéger les voies respiratoires du liquide d’irrigation. Un monitoring anesthésique complet est mis en place. Après une évaluation radiographique rétro-alvéolaire des 4 canines, un cerclage inter-dentaire est réalisé à l’aide d’un fil de 0,8 mm de diamètre entre les dents 104 et 204. Une résine provisoire bi-composants (Bis-acrylique, Coolsin®, Acteon) est coulée sur site, puis modelée à l’aide d’une fraise dentaire sous irrigation, afin de créer un plan incliné palatin. Le dispositif est réévalué avant et après extubation, afin de s’assurer de l’absence d’interférence occlusale et de la bonne angulation du plan incliné. Le patient est autorisé à s’alimenter spontanément dès le soir même. Des préconisations sont données quant à la restriction de l’activité buccale, notamment concernant les jeux buccaux en traction. Le port et les jeux avec une balle en caoutchouc de 5cm de diamètre sont autorisés pendant au moins 20 minutes par jour.

Radiographie de thorax en décubitus latéral droitRadiographie de thorax en décubitus latéral droitRadiographie de thorax en décubitus latéral droitRadiographie de thorax en décubitus latéral droit

Radiographie de thorax en décubitus latéral droit

Suivi :

Lors du contrôle clinique effectué 3 semaines après la pose du dispositif, l’éruption des canines inférieure demeure incomplète. Un engagement notable de celles-ci dans les plans inclinés est néanmoins observable. Il est décidé de poursuivre le port du dispositif 3 semaines supplémentaires, sans adaptation particulière. A 6 semaines post-opératoire, l’éruption dentaire semble complète, avec normocclusion des canines, permettant le retrait du dispositif sous anesthésie générale. Un discret overjet incisif persiste, sans interférence avec les tissus mous.

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Discussion :

Les malocclusions dentaires sont des présentations fréquentes, avec une prévalence de 26% rapportée chez les chiots avec une denture déciduale. (Hoyer, J Vet Dent, 2019) L’avulsion des dents causales constitue une approche a priori simple, mais parfois difficile en pratique générale en raison de la taille conséquente des racines dentaires. Ces dernières constituent deux tiers de la longueur totale de la dent. De par leur rôle trophique sur l’os alvéolaire de soutien, leur avulsion induit une ostéolyse progressive de la mandibule. Par ailleurs, elle est associée à un caractère irréversible (amputation dentaire). L’appareil manducateur en est perturbé de par l’altération de la fonction de préhension (absence des canines antagonistes inférieures).

La réduction coronaire des dents causales s’effectue sous conditions d’asepsie avancées, afin de ne pas contaminer la pulpe dentaire (risque de pulpite irréversible). Un traitement canalaire spécifique est réalisé dans le même temps opératoire, afin de maintenir la pulpe vivante (biopulpectomie partielle) et ainsi permettre à la dent de poursuivre sa croissance. Le taux de réussite de cette intervention avoisine les 92%. (Luotonen, JAVMA, 2014)

L’élongation coronaire pourrait constituer une bonne option thérapeutique, mais présente l’inconvénient de sa fragilité, ce qui la rend peu adaptée chez les chiens de grand format et/ou présentant une activité buccale importante. Le dispositif doit être maintenu en place définitivement chez plus de 20% des individus dans ce type de présentation, afin d’éviter toute récidive. (Storli, J Vet Dent, 2018)

Concernant la traction élastique, les chaînettes nécessitent une surveillance rapprochée et leur remplacement est nécessaire dès qu’elles se détendent ou qu’elles sont retirées. Les bagues sont également fragiles et des reprises peuvent être nécessaires chez les individus ne pouvant pas être tempérés dans leur activité buccale. Cette option implique également un délai de fabrication de 1 à 2 semaines avant pose de chaque appareillage. Elles nécessitent potentiellement davantage d’anesthésies générales et est par conséquent plus coûteuse.

Les lésions parodontales auto-induites observées chez notre patient ont motivé un traitement précoce, afin de ne pas compromettre davantage le statut parodontal de 104 et 204, ni la croissance maxillo-faciale par verrouillage des dents 304 et 404 dans cette position. Les plans inclinés palatins sont des dispositifs orthodontiques passifs, pour lesquels l’individu lui-même exerce la force orthodontique, engageant les canines sur ces glissières lors de la contraction des muscles masticateurs. Il demeurent très bien tolérés et présentent comme avantage d’être moins susceptibles aux lésions liées à une activité buccale intense ou non contrôlée. Une bonne évolution clinique a été observée après 6 semaines de traitement, ce qui est similaire aux données disponibles dans la littérature. (Taylor, Front Vet Sci, 2023) Le dispositif peut être déposé dès que le recouvrement de la gencive en regard du diastème 103-104 et 203-204 par 404 et 304 respectivement est suffisant, empêchant toute récidive potentielle. La prise d’empreintes n’est pas nécessaire, ce qui réduit le nombre d’anesthésies nécessaires. Elle nécessite toutefois une bonne connaissance des forces orthodontiques, afin de guider l’éruption dentaire, sans la restreindre. Ses résultats peuvent de ce fait être moins prévisibles que des options plus académiques, comme l’orthodontie étagée ou la réduction coronaire. Néanmoins, des données récentes rapportent moins de 4% d’échec thérapeutique avec les plans inclinés fabriqués in situ. (Taylor, Front Vet Sci, 2023)

Les malocclusions dentaires peuvent être associées à des complications sévères, telles que parodontite, communication oro-nasale, lésions labiales ou dysorexie. Aucun appareillage orthodontique ne peut être systématisé à l’ensemble des situations cliniques. Aussi, une évaluation stomatologique spécialisée précoce est fortement recommandée dès qu’une anomalie d’égression, d’éruption, de position dentaire et/ou de croissance maxillo-faciale est détectée.

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