Ovariectomie de la chienne sous laparoscopie : mythe ou réalité ?

Par le Dr Eliot Gougeon, résident en chirurgie et le Dr Cyrill Poncet, spécialiste en chirurgie au CHV Frégis. 

Alors que la laparoscopie est devenue la référence dans la plupart des interventions chirurgicales viscérales en médecine humaine depuis plusieurs décennies, elle se démocratise plus récemment chez les animaux de compagnie. L’ovariectomie sous laparoscopie est actuellement le meilleur exemple de son application en chirurgie vétérinaire. Quelle sont les clés pour exposer au propriétaire les avantages de cette technique mini-invasive et mieux le guider dans son choix entre chirurgie ouverte (laparotomie) et coelioscopie (laparoscopie) ?

Vue laparoscopique d’une ovariectomie (exérèse d’ovaire en fusion tissulaire)

La stérilisation des chiennes représente une des chirurgies les plus réalisées par les vétérinaires. Actuellement, malgré les nombreux avantages qu’offre la laparoscopie, la plupart des ovariectomies restent réalisées par laparotomie.

Comment se déroule l’intervention sous laparoscopie ?

Une incision de la ligne blanche de 5-10mm est réalisée juste caudalement à l’ombilic. Une canule de caméra est insérée dans la cavité abdominale et un pneumopéritoine d’une pression la plus basse possible est instaurée par insufflation de gaz carbonique. Un monitoring anesthésique incluant une capnographie est nécessaire pendant toute la chirurgie car le pneumopéritoine induit des modifications cardiovasculaires, mineures la plupart du temps1.

Préparation chirurgicale en vue d’une ovariectomie sous coelioscopique avec gastropexie préventive

Une ou deux canules pour instruments sont communément ajoutés. Après préhension du pédicule ovarien, l’hémostase du pédicule ovarien est réalisée, le plus fréquemment par fusion tissulaire. Une fois l’exérèse des deux ovaires réalisée, ces derniers sont tractés vers l’incision centrale où ils sont extraits manuellement. Les incisions sont refermées à l’aide de quelques points intradermiques. L’animal ne présente extérieurement que 2 ou 3 traces de quelques millimètres, sans points visibles, sans collerette ni surveillance particulière.

Est-ce vraiment moins douloureux ?

Le principal avantage de l’ovariectomie en laparoscopie est la réduction de la douleur per et postopératoire, ceci étant principalement lié à la taille réduite des incisions et l’absence d’étirement des pédicules ovariens nécessaire. Les douleurs liées au pneumoabdomen décrites chez l’homme n’ont jamais été étudiées chez la chienne mais semblent mineures. Ainsi, des études ayant comparé la douleur des chiennes de deux groupes (laparotomie ou laparoscopie) ont reporté des scores de douleur2, des taux de cortisol3, un stress oxydatif4 et une pression artérielle1 plus importants chez les chiennes opérées par laparotomie. De plus, l’activité mesurée les jours suivants la chirurgie par podométrie était plus importante chez les chiennes opérées par laparoscopie, témoignant d’un meilleur confort postopératoire dans ce groupe5.

 

Vue post-opératoire. Le suivi ne nécessite aucune protection, ni pansement ni collerette, et aucun retrait de fil. La chienne peut reprendre une activité normale 3 jours post-opératoire.

Y-a-t-il moins de complications avec cette technique ?

La magnification obtenues grâce aux caméras et les techniques de fusion tissulaire intracorporelles permettent un geste chirurgical et une hémostase plus sûrs6. Cela permet notamment de limiter les hémorragies, complication la plus souvent redoutée par les vétérinaires lors d’ovariectomie par laparotomie. En effet, une traction trop forte sur les ovaires pour les extérioriser de l’incision peut entrainer un déchirement de l’artère ovarique à l’origine d’hémorragies pouvant nécessiter un agrandissement de l’incision voir entraînant un choc hémorragique. De plus, les incisions réduites associées à la laparoscopie permettent une cicatrisation plus rapide et plus esthétique, un taux d’infection et de hernies incisionnelles plus faible7. Le principal risque associé à la laparoscopie est celui des lésions iatrogènes lors de l’insertion des trocarts, rencontrés principalement au niveau de la rate8. Ce risque est très faible et devient presque nul en insérant les trocarts selon la technique d’Hasson modifiée9. Au final, le taux de complications global est diminué de moitié en utilisant la laparoscopie (20% au lieu de 44%)7.

Vue per-opératoire d’une ovariectomie en fusion tissulaire. La bonne visualisation des tissus limite tout risque de saignement et d’exérèse incomplète des ovaires.

 

 

Les propriétaires sont-ils demandeurs de cette technique ?

 

La laparoscopie séduit de plus en plus de propriétaires. Dans une étude américaine publiées en 2017, la moitié des propriétaires de chiennes étaient prêt à dépenser 100-200$ de plus pour que leur animal bénéficie d’une ovariectomie sous laparoscopie plutôt que par laparotomie. La réduction de la douleur n’est pas le seul facteur qui peut motiver leur choix. La tonte ventrale est minimale, les incisions de petite taille sont à peine visible et ne nécessitents pas soin particulier. Le contact réduit avec l’extérieur et la douleur moins importante justifient l’absence de traitement antibiotique ou antalgique à la maison dans la plupart des cas. Enfin, les chiens prédisposés aux torsions d’estomac peuvent bénéficier d’une gastropexie prophylactique sous laparoscopie lors de la même anesthésie.

Quels sont les limites actuelles à l’expansion de cette technique dans toutes les structures vétérinaires ?

Le principal facteur limitant la démocratisation de cette technique est le coût du matériel. En effet, l’achat des colonnes de laparoscopie et de fusion tissulaire représente un budget important. Il faudrait néanmoins intégrer dans le calcul la diminution des coûts liés aux surplus d’anti-douleurs ou à la gestion des complications. Une logistique un peu plus lourde est à mettre en place pour ce type d’intervention. En effet, un aide opératoire est souvent indispensable et un temps est nécessaire pour installer, ranger et nettoyer le matériel. En revanche, le temps chirurgical ne semble pas être un frein à la technique puisque la plupart des études rapportent des durées situées entre 18min et 64min.

 

Conclusion :

L’ovariectomie sous laparoscopie permet par une technique mini-invasive, de répondre à une demande croissante de nombreux propriétaires sensibilisés à une gestion optimale des douleurs per et postopératoires de leur animal. Elle pourra être proposée à tout propriétaire venant en consultation pour obtenir des informations sur la stérilisation. 

 

Références

1.            Fernández-Martín S, Valiño-Cultelli V, González-Cantalapiedra A. Laparoscopic versus Open Ovariectomy in Bitches: Changes in Cardiorespiratory Values, Blood Parameters, and Sevoflurane Requirements Associated with the Surgical Technique. Animals. 2022;12(11):1438. doi:10.3390/ani12111438

2.            Davidson EB, David moll H, Payton ME. Comparison of Laparoscopic Ovariohysterectomy and Ovariohysterectomy in Dogs. Veterinary Surgery. 2004;33(1):62-69. doi:10.1111/j.1532-950X.2004.04003.x

3.            Devitt CM, Cox RE, Hailey JJ. Duration, complications, stress, and pain of open ovariohysterectomy versus a simple method of laparoscopic-assisted ovariohysterectomy in dogs. JAVMA. 2005;227(6):921-927. doi:10.2460/javma.2005.227.921

4.            Lee JY, Kim MC. Comparison of Oxidative Stress Status in Dogs Undergoing Laparoscopic and Open Ovariectomy. J Vet Med Sci. 2014;76(2):273-276. doi:10.1292/jvms.13-0062

5.            Culp WTN, Mayhew PD, Brown DC. The Effect of Laparoscopic Versus Open Ovariectomy on Postsurgical Activity in Small Dogs. Veterinary Surgery. 2009;38(7):811-817. doi:10.1111/j.1532-950X.2009.00572.x

6.            Hancock RB, Lanz OI, Waldron DR, Duncan RB, Broadstone RV, Hendrix PK. Comparison of Postoperative Pain After Ovariohysterectomy by Harmonic Scalpel-Assisted Laparoscopy Compared with Median Celiotomy and Ligation in Dogs. Veterinary Surgery. 2005;34(3):273-282. doi:10.1111/j.1532-950x.2005.00041.x

7.            Charlesworth TM, Sanchez FT. A comparison of the rates of postoperative complications between dogs undergoing laparoscopic and open ovariectomy. J Small Anim Pract. 2019;60(4):218-222. doi:10.1111/jsap.12993

8.            Mayhew PD, Culp WTN, Hunt GB, et al. Comparison of perioperative morbidity and mortality rates in dogs with noninvasive adrenocortical masses undergoing laparoscopic versus open adrenalectomy. JAVMA. 2014;245(9):1028-1035. doi:10.2460/javma.245.9.1028

9.            Bianchi A, Collivignarelli F, Vignoli M, et al. A Comparison of Times Taken for the Placement of the First Portal and Complication Rates between the Veress Needle Technique and the Modified Hasson Technique in Canine Ovariectomy Laparoscopic Surgery. Animals. 2021;11(10):2936. doi:10.3390/ani11102936

 

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