En médecine humaine, le terme d’épilepsie réfractaire, ou épilepsie pharmaco-résistante, est employé lorsque les molécules antiépileptiques choisies et utilisées de manière appropriée échouent à contrôler les crises convulsives durablement [1]. Bien qu’une définition similaire n’ait pas encore été établie en médecine vétérinaire, un animal est généralement considéré comme réfractaire au traitement lorsqu’il continue à présenter des crises trop fréquentes et/ou trop intenses ou lorsqu’il manifeste des effets secondaires trop marqués [2] malgré un traitement adapté, c’est-à-dire malgré un traitement combinant l’association de plusieurs molécules antiépileptiques utilisées au maximum de leurs doses thérapeutiques efficaces. Nous ne pouvons parler d’animal réfractaire lorsque celui-ci peut encore faire l’objet d’une augmentation des doses du traitement antiépileptique. On estime qu’environ 30% des chiens peuvent développer une épilepsie réfractaire [3].
Depuis 1993, plus d’une douzaine de molécules antiépileptiques ont été approuvées en médecine humaine. Cependant, la plupart d’entre elles se sont avérées être inappropriées chez les animaux de compagnie, en raison des différences métaboliques et pharmacocinétiques rendant certaines de ces molécules inefficaces chez ces espèces [2].
Lorsque les crises nécessitent de bénéficier de la mise en place d’un traitement antiépileptique, les molécules classiquement utilisées incluent le phénobarbital, le bromure de potassium, l’imépitoïne et hors cascade thérapeutique essentiellement le lévétiracétam. Le phénobarbital est utilisé en première intention à une dose initiale de 2,5 à 3 mg/kg toutes les 12 heures. Son temps de demi-vie est relativement long, et sa stabilisation sanguine se fait au bout de 14 jours environ. Ce dernier étant métabolisé par le foie, il est à éviter chez les insuffisants hépatiques. En cas de contrôle non satisfaisant des crises, il est indiqué de réaliser un dosage sanguin ; les valeurs thérapeutiques se situent entre 20 et 40 mg/kg. La dose totale journalière peut ainsi être augmentée jusqu'à atteindre les valeurs thérapeutiques usuelles hautes, même si la dose journalière en mg/kg parait élevées, certains animaux ayant un métabolisme rapide du phénobarbital. Le bromure de potassium peut être utilisé en première intention, aux doses initiales de 40 à 60 mg/kg réparties en une ou deux prise(s) quotidienne(s), ou en seconde intention, aux doses de 30 à 40 mg/kg en une à deux prise(s) quotidienne(s). Attention, il est contre indiqué chez le chat qui développe une pneumopathie interstitielle asthmatiforme potentiellement irréversible. Son temps de demi-vie est très long, sa stabilisation sanguine se fait au bout de 3 mois environ. N'étant pas métabolisé par le foie, il peut être utilisé chez les insuffisants hépatiques. Un dosage sanguin est également réalisable, avec des valeurs thérapeutiques situées entre 2000 et 3000 mg/L en monothérapie, et entre 1000 et 2000 mg/L en association avec le phénobarbital laissant la possibilité d’augmenter les doses journalières jusqu’aux valeurs sériques hautes en cas de mauvais contrôle des crises. L’émépitoïne (AMM pour l’épilepsie primaire exclusivement), de demi vie courte et donc plus rapidement actif, est à utiliser à la dose d’attaque de 20 mg/Kg BID jusqu’à 30 en cas de mauvaise réponse mais sans intérêt a delà ; il n’est pas dosable. Le lévétiracétam peut quant à lui peut être utilisé en première intention chez les patients hépatiques ou en association quand les effets secondaires d’excès d’appétit et de soif se font sentir, , aux doses initiales de 20 mg/kg toutes les 8 heures. Son temps de demi-vie est court. Il peut aisément être augmenté jusqu'aux doses de 60 mg/kg trois fois par jour, voir même au-delà en cas de mauvais contrôle des crises. Cette molécule est en général bien tolérée ; des effets indésirables ont été décrits chez des chiens sains pour des doses allant de 300 à 1200mg/kg/jour [4].
Lors de la persistance d’un mauvais contrôle des crises malgré l'utilisation de manière appropriée de deux ou trois des molécules sus citées, le zonisamide peut être ajouté au traitement. La dose initiale recommandée chez le chien est de 5 à 10 mg/kg deux fois par jour. L’addition de cette molécule antiépileptique chez les chiens réfractaires permettrait d’obtenir une réponse favorable dans 58 à 82% des cas [5,6]. Cependant, le développement d’une hépatite aiguë potentiellement mortelle a été reportée chez moins de 1% des chiens dans les 3 semaines après l’administration du zonisamide [7]. Seuls quelques rapports anecdotiques décrivent l’utilisation du zonisamide chez le chat, pour lequel la dose recommandée est de 5 mg/kg toutes les 12 à 24 heures, sans connaitre avec précision les effets secondaires à envisager [2]. Le cannabidiol (CBD), dont les effets anti-onvulsivants ont été confirmés chez l’homme et l’animal, pourrait également être administré chez le chien de manière sûre et bien tolérée avec peu d’effets secondaires,à la dose de 2,5 mg/kg deux fois par jour ; des études pharmacocinétiques sont en cours.
Enfin, d’autres thérapies alternatives non médicamenteuses ont été explorées et ont montré une efficacité satisfaisante en médecine humaine : parmi celles-ci, les deux plus élaborées et utilisées incluent la pose d’un implant stimulateur du nerf vague (VNS) et le régime cétogène chez l’enfant. Une étude de 2002 [9] a évalué l’utilisation de l’implant VNS chez 10 chiens. Une diminution de la fréquence des crises a été observée chez certains chiens, sans effets secondaires associés, faisant de cet implant une alternative potentiellement sans danger et efficace chez certains patients. Cependant, le coût et la faible disponibilité de cet implant le rend difficile. Le régime cétogène quant à lui, qui consiste en une alimentation riche en lipides et pauvre en glucides, commence à faire ses preuves en médecine vétérinaire. Une étude récente de 2015 [10] chez 22 chiens a montré des résultats significatifs quant à l’efficacité des triglycérides à chaine moyenne dans la prise en charge de l’épilepsie réfractaire chez le chien.
Références
[1] Kwan P, Arzimanoglou A, Berg AT, et al. Definition of drug resistant epilepsy: consensus proposal by the ad hoc Task Force of the ILAE Commission on Therapeutic Strategies. Epilepsia, 2010, 51:1069–1077
[2] Muñana KR. Management of refractory epilepsy. Top Companion Anim Med. 2013 May;28(2):67-71
[3] Lane SB, Bunch SE. Medical management of recurrent seizures in dogs and cats. J Vet Intern Med 1990 4:26–39
[4] Podell M, Volk HA, Berendt M, Löscher W, Muñana K, Patterson EE, Platt SR. 2015 ACVIM Small Animal Consensus Statement on Seizure Management in Dogs. J Vet Intern Med. 2016 Mar-Apr;30(2):477-90
[5] Dewey CW, Guiliano R, Boothe DM, Berg JM, Kortz GD, Joseph RJ, Budsberg SC. Zonisamide therapy for refractory idiopathic epilepsy in dogs. J Am Anim Hosp Assoc. 2004 Jul-Aug;40(4):285-91
[6] Prospective study of zonisamide therapy for refractory idiopathic epilepsy in dogs. J Small Anim Pract 2007 48:134–138,
[7] Smith TK, Cameron S, Trepanier LA. Incidence of hepatopathies in dogs administered zonisamide orally: A retrospective study of 384 cases. J Vet Intern Med. 2022 Mar;36(2):576-579
[8] Potschka H, Bhatti SFM, Tipold A, McGrath S. Cannabidiol in canine epilepsy. Vet J. 2022 Oct 6:105913.
[9] Muñana KR, Vitek SM, Tarver WB, et al. Use of vagal nerve stimulation as a treatment for refractory epilepsy in dogs. J Am Vet Med Assoc 2002, 221:977–983
[10] Law TH, Davies ESS, Pan Y, Zanghi B, Want E, Volk HA. A randomised trial of a medium-chain TAG diet as treatment for dogs with idiopathic epilepsy. Br J Nutr. 2015 114:1438–47