Un chat mâle castré de 12 ans est présenté pour anémie (hématocrite 20%) normochrome normocytaire non régénérative et hyperprotéinémie (90 g/L). Un myélogramme est réalisé.
Coloration de May-Grünwald Giemsa, magnification x1000
1. Quelles cellules reconnaissez-vous ?
2. Quel diagnostic différentiel proposeriez-vous ?
3. Quels autres examens complémentaires recommanderiez-vous ?
4. Quel traitement proposeriez-vous ?
1. Quelles cellules reconnaissez-vous ?
Trois lignées cellulaires principales peuvent être reconnues sur l’image :
- La lignée érythroïde (flèches bleues), reconnaissable par un noyau bien distinct et sphérique, avec une chromatine dense et un cytoplasme sombre. Dans leur forme plus avancée, leur taille diminue et leur cytoplasme s’éclaircit.
- La lignée myéloïde (flèches vertes), présentant un noyau moins rond avec une chromatine moins dense et un cytoplasme plus pâle.
- Des plasmocytes (flèches orange), reconnaissables par leur noyau rond excentré jouxté par une zone pâle en croissant (l’arcoplasme).
2. Quel diagnostic différentiel proposeriez-vous ?
L’anomalie la plus flagrante ici est le nombre excessif de plasmocytes, les plasmocytes représentant généralement 1 à 3% des cellules nucléées dans un myélogramme de chat sans anomalie hématologique.[1] Sur l’image présentée ici, ils représentent environ 30% des cellules nucléées, ce qui est compatible avec une infiltration plasmocytaire de la moelle (généralement définie par la présence de plasmocytes représentant >20% des cellules nucléées). Les plasmocytes présentent des atypies (anisocaryose, anisocytose et bord du cytoplasme souvent irrégulier), renforçant l’hypothèse d’une infiltration par des plasmocytes tumoraux (c’est-à-dire un myélome multiple) plutôt qu’une simple hyperplasie plasmocytaire réactionnelle de la moelle.
3. Quels autres examens complémentaires recommanderiez-vous ?
Le diagnostic de myélome multiple repose sur plusieurs critères :
1/ une infiltration à hauteur d’au moins 20% (voire 10% si les plasmocytes présentent régulièrement des atypies) de la moelle osseuse,
2/ une gammapathie monoclonale voire biclonale,
3/ des signes d’ostéolyse aux radiographies (généralement des vertèbres, du bassin ou des os longs) et
4/ une protéinurie de Bence-Jones.[2] Le chat étant présenté pour hyperprotéinémie, une électrophorèse des protéines sériques est particulièrement indiquée pour confirmer une gammapathie et évaluer son caractère monoclonal. Des radiographies des vertèbres et des membres permettront de rechercher des foyers d’ostéolyse (non systématiquement présentes cependant). Un rapport protéines/créatinine urinaire et une électrophorèse des protéines urinaires permettront de rechercher une protéinurie de Bence-Jones, généralement non détectée par les bandelettes urinaires. Enfin, l’infiltration de la rate et du foie étant fréquente lors de myélome multiple chez le chat contrairement au chien et à l’homme, une échographie abdominale et une ponction de ces organes seraient utiles sous réserve d’un nombre de plaquettes suffisants. Une recherche du statut FIV/FeLV ne semble pas nécessaire dans le cadre du diagnostic, comme aucun lien n’a été démontré entre une infection par rétrovirus et le développement d’un myélome multiple chez le chat.
4. Quel traitement proposeriez-vous ?
La mise en place d’un protocole de chimiothérapie (ex : melphalan et prednisolone ou combinaison de cyclophosphamide, vincristine, chlorambucil, melphalan et prednisolone) peut permettre une survie de plusieurs mois voire supérieure à un an en cas de réponse positive au traitement.[3] L’utilisation de prednisolone seule est souvent associée à une dégradation rapide, en termes de jours à semaines. L’évolution du myélome multiple étant souvent moins favorable chez le chat que chez le chien, une prise en charge spécialisée par un oncologue vétérinaire est conseillée.
References
1. De Cristo TG et al. Overview of Bone Marrow Aspiration from 120 Cats in Different Hematological Conditions. Vet Med Int. 2023:2023:2493618.
2. Patel RT et al. Multiple myeloma in 16 cats: a retrospective study. Vet Clin Pathol. 2005;34(4):341-52.
3. Mellor PJ et al. Myeloma-related disorders in cats commonly present as extramedullary neoplasms in contrast to myeloma in human patients: 24 cases with clinical follow-up. J Vet Intern Med. 2006;20(6):1376-83.