Par le Dr Elise Martinot, assistante du service NAC au CHV Fregis
Pollux est un lapin bélier mâle de 4 ans, référé au CHV Frégis pour investiguer une pathologie respiratoire évoluant depuis son arrivée chez ses propriétaires à l’âge de quelques mois. Son affection est réfractaire aux traitements antibiotiques ainsi qu’aux changements environnementaux mis en place par le vétérinaire traitant.
Lors de son examen clinique au sein de notre service NAC, Pollux présente des bruits respiratoires en “crie d’oie” ou “trompette”, un essoufflement à l’effort marqué ainsi que des ronflements sans jetage. L’occlusion dentaire de Pollux est également sans anomalie et aucun événement traumatique au niveau de la tête ou du cou n’est rapporté. Malgré la mise en place de traitements chez son vétérinaire traitant, les bruits se sont amplifiés sur l’année précédente. Pollux est noté comme moins actif avec un appétit se réduisant discrètement.
Par ailleurs, Pollux ne présente pas d’autre antécédent médical. Il a accès à l’extérieur sous surveillance et il est à jour de ses vaccins (Myxomatose et Maladie Hémorragique Virale).
1/ Quelles affections suspectez-vous ?
2/ Quels examens complémentaires préconisez-vous ?
3/ Quelles sont les options concernant la gestion du collapsus trachéal chez le lapin ?
1/ Quelles affections suspectez-vous ?
Grâce à ces différents signes cliniques, une affection des voies respiratoires hautes est à suspecter en priorité, nottament une atteinte des sinus ou de la trachée.
Les atteintes respiratoires hautes sont majoritairement des rhinites et sinusites infectieuses par des pathogènes bactériens (P. multocida à 55%, B. bronchiseptica et Pseudomonas) (1) . Lors d’atteintes sévères et/ou chroniques, des modifications structurales ou des rhinolites peuvent altérer les cornets nasaux et ainsi entraver les voies respiratoires de manière permanente. Cette atteinte est toutefois non considérée en priorité en l’absence de jetage observé.
Un corps étranger ou une irritation chronique des voies respiratoires suite à des allergies environnementales peuvent également être considérés. L’irritation des voies respiratoires à cause de produits chimiques désinfectants, fumée de cigarettes ou encore de poussière de litières peuvent être incriminés.
Une atteinte néoplasique est toujours possible bien que très rare, comme un adénocarcinomes de la muqueuse nasale reporté en 2014 (2).
Enfin, grâce au signe du cri de l’oie, pathognomonique chez les chiens et chats en cas de collapsus trachéal, cette hypothèse reste dans les premières suppositions. Ce bruit entendu est purement mécanique et lié à la vibration des tissus trachéaux flasques. Cette affection est cependant rarement rencontrée ainsi que reportée chez les lapins.
2/ Quels examens complémentaires préconisez-vous ?
L’examen d'imagerie le plus sensible pour révéler une anomalie au niveau des voies respiratoires hautes reste l’examen tomodensitométrique. Il nous permet une visualisation précise de toute déformation structurale ou la mise en évidence d’une potentiel obstruction mécanique des voies respiratoires. Cet examen est à réaliser sous sédation.
Les images du scanner de Pollux montrent une intégrité parfaite des sinus, une sphère oro-pharyngé sans anomalie ainsi qu’un parenchyme bronchique non modifié. La seule anomalie rencontrée est une sténose latéro-latérale au niveau de la portion thoracique de la trachée. Cette hypothèse est confirmée par trachéoscopie.
Résultats de l’examen tomodensitométrique - Visualisation d’un collapsus trachéal latéro-latéral. La trachée est fine et son diamètre interne atteint seulement quelques millimètres.
Utilisation de l’examen tomodensitométrique en vue d’évaluer la longueur de la sténose ainsi que le diamètre physiologique trachéal. Le stent est ensuite commandé avec des dimensions sur idéale suite à ces mesures.
3/ Quelles sont les options concernant la gestion du collapsus trachéal chez le lapin ?
Le traitement de choix pour les collapsus trachéaux congénitaux sont les stents trachéaux. Fréquemment décrit dans un contexte expérimental, ils restent rarement rencontré sur des lapins de compagnie (4).
Ce type de stent, bien que couramment utilisé chez les chiens et les chats, requiert une adaptation spécifique pour les lapins en raison de leur anatomie.
La lésion sténosante est située à environ 3cm du larynx, avant l'entrée de la trachée thoracique. Cette compression latéro-latérale est observée sur une distance de 3,5 cm de longueur.
Pour trouver un stent adapté, une demande de fabrication sur mesure de stent artériel est effectuée. La majorité des stents trachéaux sont de trop grande taille pour notre lapin, qui nécessite un stent de 4cm de longueur et 5mm de diamètre.
Pollux est sédaté à l’aide d’un protocole à base de dexmédétomidine (80µg/kg), butorphanol (2mg/kg) et kétamine (5mg/kg). La pose de la sonde est effectuée sous fluoroscopie en quelques minutes. Le réveil de Pollux a été progressif et une surveillance aiguë de son état à été effectuée sous 48h en hospitalisation. En hospitalisation, il reçoit de la dexaméthasone pour réduire l’inflammation, une CRI de butorphanol afin de réduire le phénomène de toux ainsi que de l’enrofloxacine afin de prévenir toute infection respiratoire secondaire. La reprise de l’appétit est rapide et Pollux ne montre aucun signe de toux ou d’intolérance suite à la pose du stent.
Pollux est revenu peu après son opération pour une baisse de l’appétit et de l’état général, résolue en moins de 48h en hospitalisation. Des contrôles réguliers à 15 jours et 1 mois ont été effectués, permettant de vérifier la stabilité du stent.
A ce jour, soit 6 semaines après la pose de son stent, Pollux a retrouvé un appétit et un comportement plus que satisfaisant ! Les propriétaires rapportent un état général amélioré, moins d'essoufflement et une disparition des bruits respiratoires type cri d’oie.
En conclusion, la pose d’un stent trachéal chez le lapin est une intervention délicate et peu courante actuellement. Cette pathologie reste à l’heure peu étudiée et souvent non diagnostiquée chez cette espèce, cependant la mise en place d’un stent s’est montrée efficace dans la gestion du cas de Pollux.
Préparation du bloc opératoire et mise en place du patient en vue de la procédure sous fluoroscopie. L’animal est sédaté et intubé à l’aide d’une sonde endotrachéale.
Pose du stent à l’aide du guide et de la sonde endotrachéale sous fluoroscopie
Référence
(1) Deeb BJ, DiGiacomo RF, Bernard BL, et al. Pasteurella multocida and Bordetella bronchiseptica infections in rabbits. J Clin Microbiol. 1990;28:70–75.
(2) Heatley JJ, Smith AN. Spontaneous neoplasms of lagomorphs. Vet
Clin North Am Exot Anim Pract. 2014;7:561–577.
(3)Huynh M. Permanent Implantable Medical Devices in Exotic Pet Medicine. Vet Clin North Am Exot Anim Pract. 2019 Sep;22(3):521-538.