Le Geste Technique : Anesthésier un poisson

Par le Dr Mathilde Charrasse, clinicienne du service NAC au CHV Frégis

L'anesthésie des poissons avant tout examen (prise de sang, radiographie, échographie) est recommandée. Elle permet de minimiser le stress, lequel peut induire une diminution des défenses immunitaires et favoriser l’émergence de pathogènes opportunistes. La manipulation de poissons non sédatés peut endommager le mucus, une barrière protectrice recouvrant les écailles, dont l'altération peut provoquer des complications telles que des surinfections bactériennes ou fongiques. L’administration des agents anesthésiques peut se faire par bain (balnéation) ou par voie injectable (IV, IM, ou intracardiaque), selon la nature des molécules utilisées et l’espèce concernée. Les anesthésiques couramment employés incluent le sulfate de tricaine méthane (MS-222), l’alfaxalone ou le propofol. En revanche, l’utilisation de l’isoflurane est déconseillée.

L’anesthésie des poissons au sein du service Nacologie du CHV Frégis est généralement réalisée par immersion dans une solution anesthésique ; l’induction de l’anesthésie se fait alors par absorption au niveau des branchies. Au cours de l'anesthésie, de l'induction au réveil, il est essentiel de maintenir la peau humide et de veiller à ce que les branchies restent immergées.

 

MATERIEL

  • Agent anesthétique (Alfaxalone)
  • Des seringues pour doser l’anesthésique et intuber le poisson
  • Équipement de Protection Individuel: gants (humides et sans poudre), lunettes de protection
  • Une épuisette
  • 3 bacs ou aquariums (1 pour transport, 1 bac gradué pour l’induction et 1 pour le réveil)

 

 

Protocole

DEROULEMENT

1 / Le poisson est placé dans un bac gradué contenant de l'eau de l’aquarium ajustée à la température optimale pour l'espèce, enrichie en alfaxalone à une concentration de 5 à 10 mg/L, idéalement avec un bulleur immergé pour augmenter la concentration en oxygène dissous.

2 / L'état d'anesthésie est atteint lorsque l'animal repose sur le flanc et ne répond plus à un stimulus externe, tel qu’une pression exercée sur la queue. Cet état est accompagné d’un ralentissement de la respiration et de la fréquence cardiaque. Durant l’anesthésie, le suivi de l’état du poisson repose sur l’observation de la fréquence respiratoire, mesurée par le comptage des mouvements de l’opercule (structure cutanée recouvrant les branchies), et sur le maintien d’une coloration normale des branchies, allant du rose foncé au rouge. La fréquence cardiaque peut être mesurée grâce à l’utilisation d’une sonde Doppler.

3 / Une fois l’anesthésie induite, l’animal est transféré dans sa boîte de chirurgie. Placer le poisson anesthésié sur une surface non abrasive pour éviter les dommages cutanés.

4 / L’entretien de l’anesthésie est réalisé avec une solution d’alfaxalone à une concentration de 2,5 à 5 mg/L d’eau, administrée à l’aide d’une seringue toutes les 15 à 20 secondes directement dans la bouche de l’animal, la sortie de l’eau au niveau des branchies peut être observée. La température de l’eau est maintenue à un niveau optimal pour l’espèce ou légèrement en dessous. L’hypothermie n’est pas recommandée comme technique anesthésique chez les poissons car le niveau d’analgésie qu’elle procure reste incertain.

 

5 / Lors de la phase de réveil, le poisson est maintenu manuellement ou grâce à un dispositif flottant en position verticale, le corps entièrement immergé, dans un bac contenant de l’eau enrichie en oxygène grâce à un bulleur immergé. En cas d’absence de mouvements respiratoires visibles, une manipulation douce est effectuée en balançant le poisson d’avant en arrière pour favoriser la circulation de l’eau de la cavité buccale vers les branchies, facilitant l’oxygénation et ensuite la reprise de la respiration spontanée. Il est possible également de le tenir devant une pompe qui va créer un courant d’eau directement vers les branchies.

Il est préférable d’attendre que le poisson ait retrouvé un bon niveau d’équilibre avant de le retourner dans son aquarium habituel. Il peut être parfois judicieux de le libérer avant l’atteinte du réveil complet car la contention éveillée pourrait le stresser davantage.

 
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