Un résident a lu pour vous: Enquête sur une épidémie de pancytopénie au Royaume-Uni

Les auteurs : Barbara Glanemann, Karen Humm, Camilla Pegram et Daniel L. Chan

Introduction

Les pancytopénies sont caractérisées par une diminution plus ou moins sévère des lignées sanguines et causées, soit par une augmentation de la consommation ou de la destruction périphérique des cellules sanguines, soit par un défaut de production de ces cellules par la moelle osseuse. Les causes de pancytopénie sont nombreuses chez le chat et incluent les maladies infectieuses (virus de la leucose féline, de l’immunodéficience féline, parvovirus félin, mycoplasmose…), les processus tumoraux (lymphome, leucémie…), les toxicoses (antibiotiques, irradiation…), des déficits vitaminiques (hypofolatémie, hypocobalaminémie, déficit en pyridoxine) et les maladies à médiation immunitaire.

Au printemps 2021, une augmentation de l’incidence de cas de pancytopénie féline au Royaume-Uni laisse suspecter une épidémie par un agent alors inconnu.  

L’objectif de cette étude est d’investiguer l’origine de ce foyer de pancytopénie féline au Royaume-Uni ainsi que le pronostic associé. 

Matériels & Méthode

En mai 2021, un questionnaire est publié en ligne afin que tous vétérinaires officiant au Royaume-Uni puissent déclarer des cas nouvellement diagnostiqués de pancytopénie. Les auteurs ont collecté les données suivantes au travers de leur questionnaire : date de présentation, signalement, signes cliniques et leurs durées, accès à l’extérieur, résultats d’examens complémentaires, statut pour les virus de la leucose féline (FeLV), de l’immunodéficience féline (FIV) et du parvovirus félin, statut pour les antiparasitaires, traitements ou vaccination récents, le type de litière utilisé et la nourriture consommée par les patients.

Les paquets de croquettes avec les numéros de lots les plus fréquemment mentionnés dans la base de données et ceux les moins fréquemment mentionnés (« échantillon contrôle ») sont soumis à une recherche de mycotoxines de la famille des trichothécènes : T-2, HT-2 et diacétoxyscirpenol. Ces mycotoxines produites principalement par les champignons du genre Fusarium spp. sont reconnues pour être à l’origine de pancytopénie chez l’Homme et des cas d’hypoplasie/aplasie médullaire ont été décrits chez le chat en condition expérimentale. La quantification de trichothécène est réalisée par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse.

Enfin, une recherche non ciblée d’agents chimiques est réalisée sur des échantillons de foie prélevés en post-mortem sur des chats atteints de pancytopénie et des chats non atteints de pancytopénie (contrôle).

 

Résultats

Epidémiologie, signes cliniques, examens complémentaires et survie des patients

               Entre le 24 mai 2021 et le 11 décembre 2021, 580 chats sont inclus dans l’étude. L’âge médian de la première présentation chez le vétérinaire était de 3,0 ans (de 0,0 à 17,1 ans). Aucune prévalence raciale ou de genre est identifiée. La majorité des chats (59,0%) ont un accès à l’extérieur.  Dans 51% des cas, plusieurs chats d’un même foyer ont présenté une pancytopénie. L’écrasante majorité des chats (90%) n’a reçu ni nouveaux traitements, ni vaccination dans le mois précédent les signes cliniques.

               La durée médiane des signes cliniques était de 2,0 jours (0,0-61,0 jours). Une léthargie (66,6%), une perte d’appétit (52,4%), une hyperthermie (37,9%), des pétéchies (12,9%), des hémorragies buccales (11,0%) et des vomissements/nausées (10,7%) étaient les signes cliniques les plus fréquemment rapportés. Le nombre médian de leucocytes était de 1,20 x 109 /L (0,00-24,00), un nombre médian de neutrophiles de 0,47 x 109 /L (0,00-2,15), un nombre médian de plaquettes de 8,00 x 109 /L (0,00-340 000) et un hématocrite médian de 18,00% (0,00-59,40). Le statut pour le FIV, FeLV et le typhus était inconnu pour plus de la moitié des chats (jusqu’à 88,5% pour le typhus) et seulement 3 chats, 2 chats et 4 chats étaient négatifs pour le FIV, FeLV et le typhus, respectivement. Une analyse du myélogramme étaient disponible pour 8,7% des cas et mettaient en exergue une hypoplasie (36 chats), une aplasie (18 chats) ou une hyperplasie médullaire (2 chats).

               Concernant le pronostic, 367 chats (63,3%) sont décédés pendant la période de l’étude et 210 chats (36,2%) sont toujours vivants. Des données manquèrent pour 3 chats (0,52% des cas).

Régime alimentaire

               Quarante-quatre marques de nourriture sont identifiées dans la base de données dont trois marques prédominantes (A, B et C). Ces dernières ont été retirées du marché le 16 juin 2021. 86,2% des chats de l’étude ont consommés ces alimentations.

Comparaison des cas présentés avant ou après le retrait du marché des alimentations incriminées (A, B et C)

               58,6% des chats de l’étude sont présentés avant ou pendant le retrait du marché des alimentations A, B et C tandis que 41,4% des chats ont été présentés après le retrait de ces alimentations du marché. Le nombre médian de leucocytes et de plaquettes ainsi que l’hématocrite médian sont significativement plus bas pour les chats présentés avant ou pendant le retrait du marché des alimentations A, B et C par rapport aux chats présentés après le retrait de ces alimentations. Par ailleurs, la mortalité est significativement plus élevée pour les chats présentés avant ou pendant le retrait du marché de ces alimentations (76,2 % vs 45,0%).

Analyses des alimentations incriminées et des échantillons de foie

               Une concentration en T-2 et HT-2 au-dessus du seuil recommandé est identifiée dans 5 des 7 échantillons de paquets de croquettes retirés du marché. En outre, le diacétoxyscirpenol est identifié dans les 7 échantillons. Trois échantillons de croquettes « contrôles » sont également analysés et seulement un échantillon présentait des toxines T-2 et HT-2 à une concentration en-dessous du seuil recommandé et le diacétoxyscirpenol n’est aucunement identifié.

               L’analyse spectrophotométrique d’échantillons de foie prélevés sur 5 chats atteints de pancytopénie en post-mortem a mis en évidence une exposition à ces mycotoxines, en particulier les toxines T-2 et diacétoxyscirpenol.

Notre analyse et ce qu’il faut retenir de cette étude :

               Bien que cette étude montre une association forte entre l’exposition à trois alimentations contenant des taux élevés de mycotoxines de la famille des trichothécènes (86,2% des cas ont consommé cette alimentation) et l’apparition d’une pancytopénie chez le chat, une relation causale ne peut être établie. En effet, de nombreuses limites de cette étude doivent être soulignées.

               En pratique, l’exploration parfois fastidieuse d’une pancytopénie chez le chat intègre une pléthore d’examens complémentaires allant des recherches infectieuses par méthode sérologique/antigénémique, PCR, mais également de foyers tumoral ou inflammatoire par des examens d’imagerie jusqu’à l’étude de la maturation des lignées sanguines dans la moelle osseuse. Nous manquons de beaucoup d’informations dans cette étude des différents examens complémentaires réalisés pour exclure toute autre maladie à l’origine d’une pancytopénie chez ces chats. Nous ne pouvons absolument exclure qu’un chat atteint d’une maladie à l’origine d’une pancytopénie (par exemple une myélophtisie, une hypocobalaminémie, une virose à FeLV…) ait été inclus. Dans quelle mesure alors prendre en compte le facteur d’exposition « avoir consommé des alimentations incriminées » dans l’étiologie de la pancytopénie pour ces chats ? Par conséquent, les données relatives à la survie des chats sont également à considérer avec précaution. Bien qu’il ait été montré dans des conditions expérimentales une association entre hypoplasie/aplasie médullaire et ces mycotoxines chez le chat, nous n’avons finalement que très peu d’analyse de myélogramme dans cette étude. De façon surprenante, deux chats présentent une hyperplasie médullaire. Sans plus d’informations, il est difficile de tirer des conclusions de ce résultat, néanmoins nous pouvons nous poser des questions quant à l’inclusion de chats atteints de comorbidités. De plus, en l’absence de données spécifiques sur la biotransformation et la toxicodynamique de ces mycotoxines chez le chat, nous ne connaissons ni la physiopathologie à l’origine de pancytopénie ni la dose minimale à l’origine d’une myélotoxicité. 

Pour conclure, une intoxication aux trichothécènes serait à considérer dans le diagnostic différentiel d’une pancytopénie chez le chat et si un nouveau foyer de pancytopénie apparaît, de rapides investigations sur l’alimentation consommée par ces chats sont recommandées.

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